Interview | été 2024 - Réapprendre à goûter la simplicité du Réel
Artiste, Nathalie Delay a rencontré la tradition tantrique du Cachemire à l’âge de 28 ans. Immédiatement touchée par cette voie, elle s'y dédie pendant plus de quinze ans auprès de son premier maître Daniel Odier. Elle est amenée à vivre sa quête spirituelle au sein de son quotidien de mère et de femme pleinement engagée dans la vie active. C'est dans ce contexte ordinaire qu'auront lieu ses réalisations les plus profondes. Depuis plus de dix ans, nourrie par la rencontre avec le Yoga du Cachemire d’Éric Baret, elle transmet un enseignement qui est, avant tout, le fruit de sa propre expérience. Au-delà de tout traditionalisme, elle nous invite à plonger au cœur du Réel et nous encourage à revenir vers la vérité de notre Essence. Elle est l’auteure de La Voie du Réel (Synchronique, 2023). Nathalie Delay est également artiste peintre.
Q. : Dans votre dernier livre, La Voie du Réel, vous commentez de courtes stances appelées dhāranās, extraites du Vijñana Bhairava Tantra, « l’un des textes sacrés les plus anciens et les plus estimés de la tradition non duelle du shivaïsme du Cachemire ». En quoi le Vijñana Bhairava est-il devenu le socle de votre pratique spirituelle ?
Q. : Dans votre dernier livre, La Voie du Réel, vous commentez de courtes stances appelées dhāranās, extraites du Vijñana Bhairava Tantra, « l’un des textes sacrés les plus anciens et les plus estimés de la tradition non duelle du shivaïsme du Cachemire ». En quoi le Vijñana Bhairava est-il devenu le socle de votre pratique spirituelle ?
Nathalie : Avec ce texte, j’ai vécu une résonance immédiate, même si je n’en comprenais pas toute la dimension. Je me le suis approprié. Le maître tantrique, Daniel Odier, dont je suivais les enseignements, me l’a donné lorsque j’avais 28 ans. Et depuis, ce texte m’accompagne et transforme ma vie en pratique. Le Yoga du Cachemire est la transposition formelle, mais grâce à ce texte, une pratique informelle s’est installée dans mon quotidien. Je recopiais une ou deux dharanas sur un morceau de papier, et les emportais partout avec moi, afin de les méditer et les pratiquer avec tout ce que je vivais : les émotions, les sensations, les perceptions… Cela me permettait d’entrer en résonance avec tout.
Q. : Dans sa préface, Éric Baret nous dit que le Vijñana Bhairava Tantra n’est pas un système de développement personnel mais une « aventure intérieure sans limite. Le voyageur audacieux devra s’y perdre pour que son exploration s’y révèle comme une louange de la Conscience, célébration de la vie. » Vous reconnaissez-vous dans ces mots ?
N. : Oui. Absolument. Ma manière de lire les livres de spiritualité est toujours passée par une dimension tactile et intuitive. Je fonctionne beaucoup avec le ressenti. Et avec le Vijñana Bhairava Tantra, j’ai fonctionné ainsi. Les dharanas sont elliptiques. Elles évoquent une expérience d’unité mais sans donner d’explication. Aussi ne peuvent-elles, en aucun cas, être des recettes à suivre à la lettre. Sans intuition, sans inspiration intérieure, elles restent inaccessibles, opaques. Ce texte m’a incitée à plonger dans un contact très direct avec tout ce que je vivais, que ce soit une colère, une peur, une joie ou un moment d’extase dans la nature. Il m’a encouragée à ressentir que l’Absolu est présent dans chaque chose. Ce texte est une invitation à ne rien laisser de côté, à tout explorer en profondeur. Ce tantra est tout de suite devenu un allié sur mon chemin spirituel. En tant que femme active, parisienne et mère d’une petite fille de deux ans, j’avais très peu de temps à accorder à une pratique formelle telle que la méditation ou le yoga. Les dharanas m’ont permis d’entrer dans une intimité de plus en plus profonde avec tous les aspects du Réel. J’ai pu facilement les intégrer dans mon quotidien. Au fil du temps, j’ai compris que je pouvais rester en contact avec mes réactions, m’ouvrir pour leur laisser l’espace de s’exprimer et de se libérer en moi. J’ai alors gagné en sérénité et en stabilité.
Cette voie est libre et informelle. Aucun rituel n’est imposé. On fait confiance à la capacité du chercheur, on l’encourage dans son intuition, sa créativité et son écoute. N’ayant pas de temps pour une pratique formelle, cela me permettait d‘être engagée sur une voie, sans contrainte. À cette époque, un appel de l’intériorité résonnait fort en moi. Les premières années, j’avais le désir de tout lâcher, de vivre en ermite… mais c’était impossible. Ce tantra est tellement ouvert et inclusif, que l’on peut s’y engager tout en étant pleinement dans le monde. Par exemple, la première dharana nous convie à mettre notre attention à la fin de l’inspir et de l’expir. Régulièrement dans la journée, je portais mon attention à ces pauses respiratoires. Je faisais des micros pratiques, de présence, de conscience, sur la respiration. Je goûtais la saveur particulière de l’inspiration, puis de l’expiration. Mes journées étaient ponctuées de ces petites échappées où j’oubliais tout pour me donner au ressenti des pauses : lorsque j’étais assise dans le bus, que je me lavais les mains ou que j’étais à l’intérieur de la salle de tirage des films dans l’agence de communication pour laquelle je travaillais… Le fait d’intégrer cette pratique dans ma vie courante a eu un impact important sur mon niveau de présence. Elle ne m’a jamais quittée. Ce repos du souffle permet de toucher l’éternité qui gît au cœur de l’instant.
Cette voie est libre et informelle. Aucun rituel n’est imposé. On fait confiance à la capacité du chercheur, on l’encourage dans son intuition, sa créativité et son écoute. N’ayant pas de temps pour une pratique formelle, cela me permettait d‘être engagée sur une voie, sans contrainte. À cette époque, un appel de l’intériorité résonnait fort en moi. Les premières années, j’avais le désir de tout lâcher, de vivre en ermite… mais c’était impossible. Ce tantra est tellement ouvert et inclusif, que l’on peut s’y engager tout en étant pleinement dans le monde. Par exemple, la première dharana nous convie à mettre notre attention à la fin de l’inspir et de l’expir. Régulièrement dans la journée, je portais mon attention à ces pauses respiratoires. Je faisais des micros pratiques, de présence, de conscience, sur la respiration. Je goûtais la saveur particulière de l’inspiration, puis de l’expiration. Mes journées étaient ponctuées de ces petites échappées où j’oubliais tout pour me donner au ressenti des pauses : lorsque j’étais assise dans le bus, que je me lavais les mains ou que j’étais à l’intérieur de la salle de tirage des films dans l’agence de communication pour laquelle je travaillais… Le fait d’intégrer cette pratique dans ma vie courante a eu un impact important sur mon niveau de présence. Elle ne m’a jamais quittée. Ce repos du souffle permet de toucher l’éternité qui gît au cœur de l’instant.
Q. : Dans le chapitre L’omniprésence de la conscience, vous partagez des souvenirs avec votre père qui a été pour vous une source d’inspiration, et cela par sa qualité de présence. Pouvez-vous nous en parler ?
Oui. Sa simplicité d’être était une vraie leçon de vie pour la jeune femme anxieuse que j’étais. Mon père était un yogi naturel. Il avait une incroyable présence. Ce silence a infusé en moi par filiation. Quand nous marchions dans les montagnes du Vercors, il ne parlait pas. Ma mère et moi nous mettions au diapason de ses pas réguliers. Mon père m’a enseigné le silence, et la présence juste par sa simple présence. J’aimais ces moments où j’étais seule avec lui. Il était là, habité par une tranquillité naturelle qui m’apaisait. Un jour, alors que nous regardions une fleur de montagne, je lui ai demandé s’il avait des pensées quand il regardait cette fleur. Il m’a répondu : « Non, pour quoi faire ? » Sa simplicité m’est longtemps restée inaccessible. Je me rends compte aujourd’hui que fréquenter ce silence naturel depuis l’enfance a eu un impact profond. J’ai compris que le silence est notre état naturel, quand on est présent. Un jour, je lui ai dit : « Tu vois, je fais des stages de méditation pour être dans ton état. » Il a souri.
Q. : Notre numéro a pour thème la résilience. En s’inspirant des dharanas, quelle réponse pourriez-vous apporter à cette question : « Comment retrouver le chemin de la vie après une grande épreuve » ?
Le chapitre sur « les sens » me semblerait être une voie pour retrouver le goût de la vie. Vivre une expérience directe avec les choses simples du quotidien, avec l’ordinaire, sans passer par l’intellectualisation, est une aide précieuse. Si on le fait vraiment, on a immédiatement le sentiment d’être vivant. Après une grande épreuve, je pense qu’il est précieux de revenir à la vie à travers une intimité douce et délicate avec des choses accessibles, comme le fait de regarder le ciel, écouter de la musique, déguster, dans une grande lenteur, un fruit…
Cette attitude, qui consiste à plonger entièrement dans ce que nous vivons, a été ma première expérience avec cette voie. À cette époque, je ressentais un dessèchement de mon être, que je ne savais enrayer. Cela me désespérait. Cette pratique a redonné une saveur à ma vie. Ce regard rempli de curiosité posé sur tout ce que je vivais a créé un point de basculement. La vie est devenue un jeu, une exploration. Cela permet également de se prendre moins au sérieux. Ce dessèchement venait aussi de la croyance que, lorsqu’on devient adulte, on devient sérieux. Je m’étais coulée dans ce moule. Alors que non ! Nous ne sommes pas obligés de nous couper de ce lien direct avec la vie, jusqu’à en perdre sa substance. La nostalgie de ce contact m’a poussée à la recherche de ce qui se cache sous les apparences.
Enfant, déjà, j’aspirais à percevoir ce qui est au-delà des apparences. Je me souviens d’un jeu que j’avais inventé, et auquel je m’adonnais lorsque ma mère m’emmenait au théâtre : je regardais la foule anonyme, dans un regard très large, et ensuite je regardais une seule personne. Je me sentais être dans ce théâtre, et je me disais que la personne que je regardais se sentait aussi être dans ce théâtre. Et je m’interrogeais : Qu’est-ce qui fait la différence entre elle et moi ? Qu’est-ce qui fait qu’elle se sent elle et que moi je me sens moi ? Je rentrais dans ce jeu de questionnement enfantin. Et je ressentais qu’il n’y avait pas de différence entre nous. Cette prise de conscience me mettait dans une sorte de mini samadhi, dans un état d’ivresse. Les différences s’abolissaient. Je vivais un moment d’unité. En y repensant plus tard, j’ai réalisé qu’à l’âge de huit ans, j’arrivais à pressentir l’unité de l’être, et découvrais intuitivement que la séparation n’existe pas.
Lorsque j’étais aux Beaux-Arts et que j’allais au musée, j’ai continué ce jeu. Avec une amie, nous nous mettions face à un tableau. Et oubliant tout ce qu’on nous avait enseigné sur la toile, nous laissions entrer le tableau en nous jusqu’à ce que nous ayons une expérience presque extatique. Nous étions en contemplation.
Cette attitude, qui consiste à plonger entièrement dans ce que nous vivons, a été ma première expérience avec cette voie. À cette époque, je ressentais un dessèchement de mon être, que je ne savais enrayer. Cela me désespérait. Cette pratique a redonné une saveur à ma vie. Ce regard rempli de curiosité posé sur tout ce que je vivais a créé un point de basculement. La vie est devenue un jeu, une exploration. Cela permet également de se prendre moins au sérieux. Ce dessèchement venait aussi de la croyance que, lorsqu’on devient adulte, on devient sérieux. Je m’étais coulée dans ce moule. Alors que non ! Nous ne sommes pas obligés de nous couper de ce lien direct avec la vie, jusqu’à en perdre sa substance. La nostalgie de ce contact m’a poussée à la recherche de ce qui se cache sous les apparences.
Enfant, déjà, j’aspirais à percevoir ce qui est au-delà des apparences. Je me souviens d’un jeu que j’avais inventé, et auquel je m’adonnais lorsque ma mère m’emmenait au théâtre : je regardais la foule anonyme, dans un regard très large, et ensuite je regardais une seule personne. Je me sentais être dans ce théâtre, et je me disais que la personne que je regardais se sentait aussi être dans ce théâtre. Et je m’interrogeais : Qu’est-ce qui fait la différence entre elle et moi ? Qu’est-ce qui fait qu’elle se sent elle et que moi je me sens moi ? Je rentrais dans ce jeu de questionnement enfantin. Et je ressentais qu’il n’y avait pas de différence entre nous. Cette prise de conscience me mettait dans une sorte de mini samadhi, dans un état d’ivresse. Les différences s’abolissaient. Je vivais un moment d’unité. En y repensant plus tard, j’ai réalisé qu’à l’âge de huit ans, j’arrivais à pressentir l’unité de l’être, et découvrais intuitivement que la séparation n’existe pas.
Lorsque j’étais aux Beaux-Arts et que j’allais au musée, j’ai continué ce jeu. Avec une amie, nous nous mettions face à un tableau. Et oubliant tout ce qu’on nous avait enseigné sur la toile, nous laissions entrer le tableau en nous jusqu’à ce que nous ayons une expérience presque extatique. Nous étions en contemplation.
Q. : En quoi le fait d’être engagée dans cette voie spirituelle vous a-t-il aidée à traverser les épreuves de votre vie ?
J’ai perdu ma mère à l’âge de trente ans. Elle est morte à la suite d’un cancer foudroyant. Et sans la pratique, j’aurais été encore plus dévastée que je ne l’étais. Daniel Odier m’a aidée, en m’invitant à me donner sans retenue, sans résistance, à ce vécu douloureux. Ma mère et moi étions très proches, fusionnelles. Au moment de son départ, j’étais présente à elle, avec toutes mes antennes ouvertes. J’ai senti son envolée. Pendant trois jours, je suis restée près d’elle dans un contact tactile. J’ai vécu le chemin de souffrance comme un yoga, ce qui m’a permis de conserver une relation subtile avec elle…
Dans cette voie, il est dit – et c’est très beau ! – : « Ne te défends pas de tes émotions, vis-les pleinement ! » Au cours de cette période de deuil, j’étais dévastée, mais je n’ai pas résisté aux émotions qui me submergeaient. J’ai plongé en elles complètement. Je n’ai pas tenté de les refouler. Ma pratique de qi gong me permettait de m’enraciner, de vivifier mon centre vital, mon hara. Je faisais tous les jours la posture de l’arbre. Sans cela, j’aurais été balayée par cet événement. Le fait d’avoir à la fois cet enracinement et de vivre pleinement mes émotions a été une aide essentielle. Cet ancrage donne un axe, et nous stabilise quand l’épreuve est très forte.
Lorsque ma mère est morte, j’étais engagée depuis cinq ans dans cette voie. Les dharanas me révélaient leur secret le plus intime. Je les relisais plusieurs fois jusqu’à les savoir par cœur. Elles me mettaient au défi de reconnaître l’Ultime qui se cache sous les traits d’une personne, d’un événement ou d’une sensation.
Dans cette voie, il est dit – et c’est très beau ! – : « Ne te défends pas de tes émotions, vis-les pleinement ! » Au cours de cette période de deuil, j’étais dévastée, mais je n’ai pas résisté aux émotions qui me submergeaient. J’ai plongé en elles complètement. Je n’ai pas tenté de les refouler. Ma pratique de qi gong me permettait de m’enraciner, de vivifier mon centre vital, mon hara. Je faisais tous les jours la posture de l’arbre. Sans cela, j’aurais été balayée par cet événement. Le fait d’avoir à la fois cet enracinement et de vivre pleinement mes émotions a été une aide essentielle. Cet ancrage donne un axe, et nous stabilise quand l’épreuve est très forte.
Lorsque ma mère est morte, j’étais engagée depuis cinq ans dans cette voie. Les dharanas me révélaient leur secret le plus intime. Je les relisais plusieurs fois jusqu’à les savoir par cœur. Elles me mettaient au défi de reconnaître l’Ultime qui se cache sous les traits d’une personne, d’un événement ou d’une sensation.
Q. : Vous écrivez : « S’engager pour la clarté et l’amour, c’est le contrat que je passe tous les matins avec le réel (…) Parfois, le moi se manifeste sous la forme d’une réaction. C’est ma pratique du jour (...) Cette pratique est une opportunité de transformation et de liberté dont, pour rien au monde, je ne me priverais… »
Cela fait vingt-six ans que je côtoie le Vijñana Bhairava Tantra et je ne m’en lasse pas. Si une émotion se présente, je m’assois. Ma pratique essentielle est l’assise pure. Dès que je suis troublée ou que je traverse des épreuves – comme une rupture, un accident, la maladie grave d’un proche… –, je reste avec la douleur. Je l’écoute et l’accueille complètement. Je la laisse se déployer, se vider… C’est cela qui me permet de rebondir et de ne pas rester emprisonnée dans le drame.
Dans cette tradition non duelle du shivaïsme du Cachemire, il y a un aspect de liberté que j’aime beaucoup. Accueillir ce qui vient sans se rigidifier. Il n’y a pas de codes, de consignes, parce qu’on veut tout expérimenter. Tout fait partie de la voie. On fait confiance à notre conscience. Cela évite de s’enfermer dans une sorte de morale. L’invitation se résumerait ainsi : Sois entier, sois honnête et vis tout pleinement… En étant conscient, présent. En observant vraiment. J’ai immédiatement aimé cette approche « scientifique » de l’humain : observer, faire des expérimentations avec tout pour comprendre « ce phénomène qu’est l’être humain ». Un scientifique sait que, dans ses expériences, les ratés ne sont pas des échecs, qu’ils lui permettront de faire progresser ses découvertes...
Dans cette tradition non duelle du shivaïsme du Cachemire, il y a un aspect de liberté que j’aime beaucoup. Accueillir ce qui vient sans se rigidifier. Il n’y a pas de codes, de consignes, parce qu’on veut tout expérimenter. Tout fait partie de la voie. On fait confiance à notre conscience. Cela évite de s’enfermer dans une sorte de morale. L’invitation se résumerait ainsi : Sois entier, sois honnête et vis tout pleinement… En étant conscient, présent. En observant vraiment. J’ai immédiatement aimé cette approche « scientifique » de l’humain : observer, faire des expérimentations avec tout pour comprendre « ce phénomène qu’est l’être humain ». Un scientifique sait que, dans ses expériences, les ratés ne sont pas des échecs, qu’ils lui permettront de faire progresser ses découvertes...
Q. : Pouvez-vous nous parler de la place du corps dans le processus de résilience ?
Le corps n’est pas séparé du mental. Ils forment un tout indissociable en permanente interaction. Une émotion forte concerne à la fois le corps et le mental. La manière dont le mental réagit vis-à-vis de l’émotion interfère sur son flux naturel, créant de nombreux désordres dans le corps. Si, par la pratique, nous reprenons contact avec le corps et le souffle, cela nous ancre dans le présent, libère l’émotion et apaise le mental. Le mental est un corps subtil qui enveloppe et imprègne le corps physique. Quand on travaille intelligemment sur le corps physique – pas seulement en pratiquant un sport, mais en incluant le corps énergétique, comme avec le yoga ou le qi gong – immédiatement, il y a un impact sur le mental. Le travail sur le corps énergétique permet de doucement vider le traumatisme et de retrouver un climat émotionnel harmonieux. Très souvent, un choc ou une épreuve nous scinde. Nous avons tendance à quitter notre corps, à nous couper de la sensation pour fuir l’intensité émotionnelle. Le fait de revenir au ressenti dissout la division et refait circuler l’énergie. Cela nous réunifie, nous ramène à une globalité, nous rééquilibre. Lorsque nous retrouvons un corps vibrant, nous nous rendons compte qu’il y a, en nous, de grandes ressources.
Pour traverser une épreuve, guérir d’un trauma, les ressources du mental ne sont pas suffisantes. Le mental cherche à contrôler ou à gérer, ce qui nous laisse dans l’impuissance, démunis, agités ou déstabilisés. Il existe des ressources fondamentales et puissantes dans l’être, auxquelles nous accédons par un travail fin sur le corps et le souffle. Une extrême sensibilité est indispensable pour observer finement et comprendre le phénomène humain dans toute sa dimension. Si le corps est anesthésié, bloqué, opaque, le voyage intérieur ne peut se déployer jusqu’au noyau de l’Être.
Pour traverser une épreuve, guérir d’un trauma, les ressources du mental ne sont pas suffisantes. Le mental cherche à contrôler ou à gérer, ce qui nous laisse dans l’impuissance, démunis, agités ou déstabilisés. Il existe des ressources fondamentales et puissantes dans l’être, auxquelles nous accédons par un travail fin sur le corps et le souffle. Une extrême sensibilité est indispensable pour observer finement et comprendre le phénomène humain dans toute sa dimension. Si le corps est anesthésié, bloqué, opaque, le voyage intérieur ne peut se déployer jusqu’au noyau de l’Être.
Q. : À quoi ressemble votre vie aujourd’hui ?
Ma vie s’est simplifiée. Je vis dans la nature, presque comme une ermite. Je n’ai plus de besoins, à part celui de m’asseoir, de contempler. Je m’assois le matin, l’après-midi, le soir… J’ai créé en quelque sorte les rythmes d’un monastère zen. Je peux aussi m’asseoir dans la nature. Je donne une grande place à la contemplation. Je reste engagée dans le monde, à travers l’enseignement et le partage. Je ménage le plus d’espace possible pour le silence et l’écoute. Je n’ai plus d’activités mondaines. Parfois des visites d’expositions de peinture ou des concerts, car les œuvres d’art et la beauté me font entrer en résonance avec l’Ultime.
Très jeune, je désirais la solitude de l’ermite. Je voulais me retirer au fond d’une grotte, sans plus me préoccuper du monde et plonger dans la profondeur de mon être. Mais cela était impossible. Il m’était demandé d’explorer ma vie de fille, de femme, de mère et d’artiste, pour que mes attentes et mes imaginaires se vident. Ce vécu très concret a permis à mon ego de mûrir et de s’ouvrir. Aujourd’hui, la vie m’offre un ermitage. Je peux enfin éprouver, dans ma chair, la solitude sans distraction. Je m’ancre dans la pure présence. Je peux goûter la texture de l’instant en toute quiétude. C’est impressionnant de voir qu’il suffit d’un rien pour basculer dans le monde du mental et d’ainsi perdre de vue le Réel, au point de l’oublier. Le contrepoint le plus efficace que je connaisse pour parer à cet oubli, c’est le ressenti de sa propre présence qui se dilue dans la pure présence, toute l’attention en contact avec ce qui est là.
Très jeune, je désirais la solitude de l’ermite. Je voulais me retirer au fond d’une grotte, sans plus me préoccuper du monde et plonger dans la profondeur de mon être. Mais cela était impossible. Il m’était demandé d’explorer ma vie de fille, de femme, de mère et d’artiste, pour que mes attentes et mes imaginaires se vident. Ce vécu très concret a permis à mon ego de mûrir et de s’ouvrir. Aujourd’hui, la vie m’offre un ermitage. Je peux enfin éprouver, dans ma chair, la solitude sans distraction. Je m’ancre dans la pure présence. Je peux goûter la texture de l’instant en toute quiétude. C’est impressionnant de voir qu’il suffit d’un rien pour basculer dans le monde du mental et d’ainsi perdre de vue le Réel, au point de l’oublier. Le contrepoint le plus efficace que je connaisse pour parer à cet oubli, c’est le ressenti de sa propre présence qui se dilue dans la pure présence, toute l’attention en contact avec ce qui est là.
Q. : La voie du tantrisme vous a-t-elle permis de grandir en liberté ?
Oui. J’ai un sentiment de liberté puissant. Presque plus rien ne peut m’enfermer, car la saisie du mental s’est en grande partie déliée. Le mental n’arrive plus à me déloger de l’être. Ou s’il le fait, cela ne dure pas longtemps, car rapidement la conscience le démasque et l’espace s’ouvre à nouveau. Ancrée dans la présence, tout est bienvenu. Même quand ce qui advient est difficile : on y va ! Il n’y a plus d’hésitation ! Bien que parfois cela me coûte, je ne doute jamais de la justesse du Réel ! Si je résiste, je sais qu’il y a là un enseignement profond à prendre, une opportunité d’ouvrir encore plus large et plus profond mon cœur. Lorsque nous sommes capables d’accepter nos faiblesses, notre vulnérabilité, plus rien ne peut nous contraindre. Cette liberté intérieure devient alors un acquis qui nous stabilise.
Propos recueillis par Juliette Lérins // été 2024
Le Vijñana Bhairava est un dialogue entre Bhairava – Shiva le terrible, créateur, protecteur et destructeur de l’univers – et Bhairavi – la Déesse, Shakti de Bhairava. Bhairavi demande à Bhairava de dissiper entièrement ses doutes au sujet de la Réalité ultime.